Cher ami lecteur, si on faisait une petite pause et on prenait le temps d'un peu réfléchir à ce qui se produit dans la plupart de nos classes :
on fait (comme dans "Ça y est, j'ai fait l'imparfait !"),
on produit (pour prouver aux parents qu'on travaille),
on avance (et si on n'avance pas, c'est qu'on recule ?),
on progresse (comme dans les fameuses "progressions"),
on programme ("programmations"),
STOOOP !
A quoi ça sert tout ça ? Où allons-nous ? C'est pour quoi ? C'est pour qui ? Me revient alors cette phrase de Jacques Lévine, psychologue et psychanalyste, l'homme, avec Célestin Freinet, qui m'a le plus influencé dans ma pratique et surtout dans ma réflexion : "Il ne devrait y avoir qu'une seule discipline à l'école : la conquête des secrets de la vie".
Faire de notre classe un lieu de conquête de secrets, donc mettre au premier plan le POURQUOI plutôt que le comment. Ça semble être du bon sens et pourtant, est-ce que c'est ce qu'on pratique en classe, le questionnement ?
Des exemples :
On va se lancer dans des activités de mesure, mesure d'objets de la classe, mesure de la cour, mais est-ce qu'on va se poser la question : "Pourquoi avons-nous besoin de mesurer dans la vie ?" Ne serait-ce pas un préalable ?
On va apprendre les conjugaisons des verbes, mais aura-t-on pris le temps de s'interroger concrètement sur tous les moments où on va faire se rencontrer un sujet et un verbe ? Et bien sûr : cette mécanique de conjugaison sera-t-elle au service de l'écriture ?
J'essaie de toujours poser le questionnement au centre de ma classe, quel qu'en soit le niveau (car les enfants ne sont jamais trop jeunes pour s'interroger).
Passons aux modalités :
1) Toutes les semaines, nous menons un moment de réflexion collective (ateliers philo) pour nous interroger sur ce qu'on pourrait appeler la condition humaine : http://pedagost.over-blog.com/article-ils-pensent-donc-ils-sont-103389304.html
2) Toutes les semaines, nous avons un moment intitulé "Nos questions" en deux temps :
- le jeudi , je propose aux élèves (CP/CE1) de formuler les questions qu'ils se posent, questions auxquelles on essaiera d'apporter une réponse par une recherche. J'écris au tableau 6 questions proposées et on procède à un vote pour retenir la question de la semaine. Jusqu'à présent : "Comment se forme un arc-en-ciel ?" ; "Pourquoi on ne parle pas tous la même langue ?" ; "Comment on fabrique un parfum ?" ; "C'est comment un volcan ?" ; "Qu'est-ce qu'il y a après l'infini ?" ; "Comment la Terre a-t-elle été créée ?" ; "Pourquoi donne-t-on des noms aux choses ?" ; "Pourquoi les arbres nous aident-ils à respirer ?" ; "C'est qui le premier homme ?" ; "Comment arrive l'électricité ?" ; "Pourquoi les animaux ne parlent pas comme nous ?" ; "Pourquoi il y a-t-il de la neige en hiver ?" ; "Pourquoi il y a-t-il de la poussière ?"
- le lundi suivant, après une recherche documentaire en classe, et éventuellement à la maison avec les parents, nous passons dix minutes à donner une réponse accessible à ces questions compliquées.
3) Toutes les semaines, nous faisons des défis mathématiques, du style de ceux que je proposais là : http://pedagost.over-blog.com/article-des-defis-mathematiques-en-cp-ce1-111201118.html
4) On peut ajouter à ces temps ritualisés le toilettage de textes (plutôt en cycle 3), la découverte de texte à la façon du détective (texte-initiale) où l'on est aussi en recherche sur la langue, et bien d'autres actions encore à développer cherchant à révéler les savoirs dans leur mystère et donc leur richesse, savoirs qu'on va conquérir. (Le toilettage de textes : http://pedagost.over-blog.com/article-29108171.html. Le texte-initiales : http://pedagost.over-blog.com/article-le-texte-initiales-41901613.html)
Je vais d'ailleurs essayer de réfléchir à comment on pourrait concrètement mettre du questionnement dans chacune des notions qu'on aborde en classe. Trouver, comme dit une nouvelle fois Jacques Lévine, le "comment c'est fait" des choses. Et donner ainsi du sens à l'acte d'apprendre... et à celui d'enseigner.