"La personnalisation sous les traits du maître doit son retentissement à la dimension existentielle de tout savoir - la dimension que méconnaît la réduction instrumentale du savoir à des "compétences" : apprendre, c'est toujours se transformer, changer, s'ouvrir, être touché, remis en question, déplacé dans sa façon d'être et ses manières d'agir. C'est pourquoi il existe une peur apprendre dont nous commençons tout juste à prendre la mesure (voir sur ce point les travaux pionniers de Serge Boimare)" (c'est moi qui ai mis en gras)
Ce passage écrit est tiré d'un livre passionnant publié cette année, écrit par Marie-Claude Blais, Marcel Gauchet et Dominique Ottavi (chez Stock) : "Transmettre, apprendre".
Je voulais vous faire partager ce texte, car il est au diapason de ce pour quoi je travaille, je milite, je me bats même. Soit construire et mener mon action de maître vers cette dimension existentielle de l'apprentissage en lui accordant concrètement du temps en classe : temps du "Je fais partager"(http://pedagost.over-blog.com/article-27915492.html), temps de la Réflexion collective (http://pedagost.over-blog.com/article-27175727.html), temps d'écritures libres(http://pedagost.over-blog.com/article-28632305.html), temps du questionnement (http://pedagost.over-blog.com/2014/05/nos-questions.html), et plus largement tous ces moments de coopération, de partage, dans lesquels la technique est mise d'abord au service de la conquête des secrets de la vie, comme dirait Jacques Lévine (lisez donc son livre, "L'enfant philosophe, avenir de l'humanité ?".: http://www.gibertjoseph.com/l-enfant-philosophe-avenir-de-l-humanit-5442051.html)
Cette façon de penser est aussi en résonance avec notre projet des "empêchements à apprendre" vus par les clowns, projet d'ailleurs soutenu par Serge Boimare. J'estime qu'il est néfaste de séparer les résultats de l'apprentissage souvent évalués en compétences de tout ce qui les accompagne et peut délégitimer la valeur de ces compétences :
Apprendre sans en saisir le sens ?
Apprendre et rejeter ?
Apprendre et s'assécher ?
A quel prix ?
Comment pourrions-nous rendre une institution Education Nationale sensible à tout cela ? Elle qui ne voit plus qu'évaluation, contrôle, marche au pas, deux par deux dans les escaliers, progression, programmation. Où la vie est largement étouffée.
Je ne suis guère optimiste... Le sursaut possible n'est pas à l'horizon. Continuons cependant à oeuvrer avec ceux qui partagent ces espoirs d'une autre école, d'un autre apprendre. Sans illusion, mais en faisant tout pour qu'il nous en reste du plaisir : http://laclasseplaisir.eklablog.com/
Car ce métier, nous l'avons bel et bien choisi.